TOROS • HÉROS • PHILO
Philippe Darmuzey
Observateur engagé
8 novembre 2025
Un essai visuel et philosophique sur la beauté, la culture régionale de la Feria et la pensée européenne à travers trois miroirs : la Feria de Dax, le film d’Albert Serra et la philosophie de Francis Wolff. Entre émotion populaire et réflexion universelle, une méditation sur l’art de vivre et la culture partagée.
par Philippe Darmuzey
” À Dax, la cité d’Aquae Tarbellicae, qui fait vivre le lien entre la Feria, la fête, l’art et la mémoire “
TOROS, HÉROS, PHILO
La corrida est devenue un mot tabou. Elle est désormais cri de ralliement ou harangue de bataille idéologique ; un haka maori aux mains d’influenceurs populistes sur le sentier de guerre. Mais c’est pourtant bien autre chose : un moment de grâce, un fragment de culture ouvert au 7e art, un concept philosophique.
FERIA DE DAX – 15 août 2025 Un éclair de grâce dans la nuit moite étoilée dacquoise… Les experts trancheront. Je garderai mes images et la mémoire à transmettre des gestes, de la maîtrise et de l’élégance innée de ce demi-dieu sorti d’une cérémonie sacrificielle de la tradition précolombienne des Incas. Roca Rey a les initiales d’une Rolls Royce et sa carrosserie est une œuvre d’art en mouvement, comme si les arènes de Dax s’étaient métamorphosées en opéra latino-américain.
BRUXELLES – 15 mars 2025 J’ai vu « Tardes de Soledad » au cinéma. Je ne suis pas un assez bon connaisseur pour partager les critiques très technico-tauromachiques de nos aficionados puristes. Sur le plan cinématographique, j’ai trouvé le film (plus qu’un documentaire) absolument original et fort. Et le personnage de Roca Rey magnifique. Surtout, ne pas y aller pour voir de la corrida. Les plans sont très rapprochés, excluent tout l’univers extérieur du spectacle. Ce sont des cadrages serrés et repliés sur l’univers intérieur de la cuadrilla au cours du drame. On y entend les dialogues internes comme jamais. Certains de mes amis ont trouvé le langage des peones grossier, non mais…?! On assiste à deux cornadas extraordinaires sur le maestro dont une où il est littéralement cloué à la talenquère entre les deux cornes. Miracle ! Et le personnage de Roca Rey est quasiment lumineux et magnifique. Il dégage beauté, sérénité, classe et ce truc de chance en plus qui fait le héros. Bref, du grand cinéma de caméra et d’auteur. Mais on peut ne pas apprécier si l’on va découvrir cette œuvre avec le seul regard acéré du chroniqueur taurin ou celui exclusif et passionné de l’aficionado a los toros…
PHILOSOPHIE & CORRIDA J’ai lu « Philosophie de la corrida » de Francis Wolff, éd. Pluriel, juin 2025. Ce livre est un chef-d’œuvre pour ceux qui veulent expliquer, non pas comprendre, la corrida, ses relations avec la culture, la pensée, la morale… et l’art. La démonstration est puissante, percutante comme les touches d’un piano ; les concepts et les analyses sont méticuleusement alignés, fouillés, malaxés… Le philosophe est un torero de la pensée, un matador du populisme animaliste. Il décortique les éléments constitutifs du toreo ; son ouvrage est une microchirurgie du langage taurin et un traité de phénoménologie de la corrida. Le passage sur le lien de la corrida avec l’art, la musique, le théâtre, le temps, est magistral. Hélas, on ne peut pleinement maîtriser et assimiler les subtilités de l’ouvrage si l’on n’est pas simultanément familier de l’expérience de la corrida et de la méthode philosophique. Ce formidable précis philosophique de l’art taurin est un élégant règlement de compte avec l’idéologie animaliste, qui ne mérite pas son degré de sophistication. Il en ressort la profonde impression d’un déséquilibre entre le manichéisme basique anti-corrida et la sophistication de l’appareil philosophique wolffien. Quelle puissance ! Mais on a presque envie de dire aux anti-corrida : vous ne valez pas ce détour ! Le combat est inégal. Comme si les moulins à vent du chevalier à la triste figure étaient activés par le souffle indomptable de la corrida conceptuelle, qui balaie avec lui la médiocrité des aboutissants du dogme animaliste. Peu importe : le Don Quichotte de Cervantès était un précurseur du toreo de Belmonte… Le philosophe Wolff, quant à lui, est un grand maestro des lettres, des arts et du toreo.
Toreo oui ! Torero, bien sûr !! Théorero, sûrement !!! Olé !
ÉPILOGUE Au fond, cette trilogie visuelle et intellectuelle — Dax, Bruxelles, Wolff — raconte une même chose: que l’art de vivre européen et la culture régionale s’enrichissent du dialogue entre la Feria, la fête, l’art et la pensée. Elle rappelle que la Feria, le cinéma et la philosophie sont trois manières de dire la même lumière: celle de la beauté, de la pensée et de la culture partagée et transmise.
TOROS • HÉROS • PHILO : un essai visuel et philosophique sur l’art de vivre européen et la culture régionale de la Feria
Texte et conception réalisés avec l’assistance éditoriale et artistique de ChatGPT (OpenAI).
© Philippe Darmuzey – 2025
📚 SOURCES & RÉFÉRENCES SÉLECTIVES
• Francis Wolff, Philosophie de la corrida, Éditions Pluriel, 2025.
• Rúben Amón, El fin de la fiesta, Penguin Random House Grupo, 2021.
• Patrick Espagnet, Les Noirs, Éd. Loubatières, 2022.
• Michel Dieuzaide, Afición, Photographie, Éditions Cairn, 2005.
• Albert Serra, Tardes de Soledad (film), sortie 2025.
• Christophe Duchiron, Albaladejo, cœur ovale, film documentaire, INA, 2025.
• Ville de Dax – Service Culture et Patrimoine.
• Festival Toros y Salsa – 30ᵉ anniversaire, 2025.
. Pierre Albaladejo, La Corrida, préface de Jean Cau, Éd. Solar, 1989.
. Patrice Larrosa, Histoire de la tauromachie à Dax, Éd. UBTF, 1992.
. Philippe Darmuzey, Dans la peau d’Albaladejo – Rugby, Feria, Bala, Éd. Sud Ouest, 2023.
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🕊️ Cet essai visuel et philosophique s’inscrit dans la continuité de mes observations sur la culture européenne et régionale et l’esprit de la Feria.👉 Retrouvez en commentaire les prolongements et hashtags culturels pour poursuivre le dialogue.
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