UNCU – 33ème Université Sportive d’été – Limoges octobre 2015

Les nouvelles cathédrales du sport. Article de Jean-Paul Callede – Ancien Volleyeur au BEC

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Monuments du futur, emblèmes des villes et des nations ou fardeaux encombrants et coûteux ?
Cette question mérite en effet quelque attention. S’il est des domaines – et des thèmes – qui ont permis de penser et d’agir sur la nation, les villes et aujourd’hui la planète, il est vrai que le sport et ses édifices aux proportions monumentales occupent une importance grandissante.

Sur le Vieux continent, l’équipement sportif, d’abord modeste, s’est fait plus imposant, sophistiqué au point de susciter des innovations techniques significatives. En Amérique du nord, l’évolution semble s’être faite plus rapidement. L’écrivain Georges Duhamel, séjournant aux Etats-Unis, ramène des impressions publiées en France sous le titre Scènes de la vie future (1930). Il signe un chapitre assez exceptionnel intitulé « Un nouveau temple ». Il s’agit d’un grand stade, qui accueille un match de football (américain). Les détails s’appliquent étonnamment à ce que nous connaissons aujourd’hui du spectacle sportif de masse. Qualifier de « temple » une telle enceinte et connoter l’activité qui s’y déroule renvoient autant à la religiosité diffuse qui émane de l’édifice qu’aux marchands qui l’occupent et le détournent de sa fonction première. Aujourd’hui, dans une société laïcisée ou en voie de l’être, les architectures sportives ou culturelles conservent de l’esprit des bâtisseurs de jadis le lien qui s’établit entre choc esthétique, innovation technique et élan spirituel.

En 1972, le journaliste, écrivain et ancien athlète suédois Per Olov Enquist publie Katedralen I München dont la traduction française reprend l’idée : La cathédrale olympique (1980). Les premières pages évoquent le vide, le sentiment de malaise et l’impression d’abandon, une fois le site olympique déserté après la cérémonie de clôture des J.O. de 1972. Et cependant, au moment de l’ouverture des Jeux, selon l’auteur, l’impression première avait été féérique. « Que c’était grand ! Que c’était beau ! Les tentes de verre s’étalaient claires et ondulantes au-dessus de l’Oberwiesenfeld. Etait-ce un cirque ? Non, pas un cirque. (…) Mais au premier plan : la ville de tentes ondoyantes. Oui. Elle était belle, elle était vraiment belle. Comme une cathédrale. Et alors tout concordait, l’histoire alors s’unissait avec notre temps. Cela rappelait bien une cathédrale. Tout alors devenait logique, l’histoire et le petit Coubertin avaient eu raison, bien que cela ait pris longtemps. Les tentes de verre et les flèches, une église séculière. Coubertin l’aurait beaucoup aimée. ».

Dans un livre récent publié en 2008, le journaliste, romancier et essayiste Christian Montaignac reconnaît à Pierre de Coubertin l’intuition d’avoir compris très tôt ce besoin dans une société en changement. « S’il a dépoussiéré les statues et réveillé les mythes pour mieux ressusciter une ‘religion’ où l’hypocrisie n’est surtout pas exclue, il a aussi sublimé un mot-clé : « Jeux »…

La formule itinérante des Jeux et autres rendez-vous mondiaux du sport repose sur l’instruction de dossiers de candidature à l’issue incertaine… Chacun des candidats joue de l’exceptionnalité de sa proposition. Une candidature consacrée est présentée comme un facteur de rayonnement national. Le prestige qui naît de l’audace architecturale, de sa monumentalité, du parti pris technique et de son originalité esthétique engendre un marqueur identitaire et une fonction emblématique indispensable, à l’échelle d’une ville, d’un pays, qui se signale ainsi à l’attention du monde entier.

Dans un contexte socio-économique devenu incertain, les événements sportifs majeurs sont souvent présentés comme une occasion à saisir permettant de redynamiser l’activité du pays. Cette potentialité forgée dans des argumentations bien rodées est-elle toujours réalisée ? N’existe-t-il que des bénéfices profitant à la puissance organisatrice ? À l’heure des bilans, l’optimisme est-il toujours de mise ? En effet, ce côté ensoleillé des nouvelles architectures monumentales du sport ne saurait faire oublier les ombres et les incertitudes, les difficultés d’exploitation et de maintenance, la déshérence voire l’enfer qui peuvent accompagner ce type de réalisation. Est-ce à dire que les journalistes appelés à rendre compte de ces réalisations architecturales très médiatiques passent invariablement de l’enthousiasme à la critique virulente ? Faut-il plutôt considérer que le journalisme rassemble une diversité de spécialités professionnelles (sport, arts et techniques, politique, économie, relations internationales, etc.) dont les démarches respectives possèdent leur spécificité ?

À la veille de recevoir la prochaine Coupe d’Europe de football, avec l’effervescence que suscite l’idée d’une candidature prochaine de la ville de Paris pour accueillir les Jeux olympiques de 2024 ou les suivants, entre autres événements sportifs majeurs, il n’est pas inutile de consacrer une Université sportive d’été à ce thème. Si la métaphore filée autour des cathédrales du sport, avec la ferveur des officiants et fidèles qui s’y pressent, nous est soufflée par de fameux gens de plume, le tropisme qu’exerce aujourd’hui le Qatar va-t-il précipiter la bascule d’une religion du sport… à une autre ? Par l’intermédiaire de Qatar Sport Investments, le pays mise sur le sport, « seule religion universelle », selon l’Emir du Qatar, pour construire sa réputation. Il est vrai que l’argent est devenu roi, dans ces affaires-là, combiné avec des facteurs géopolitiques et des logiques intra et intercontinentales.

Pendant quelques jours, des membres de l’UNCU, de l’UJSF et du journalisme, de l’Université et de son service des sports, des élus politiques, sans oublier les dirigeants de clubset du Mouvement sportif, les éducateurs, les sportifs et les sportives, les directeurs de l’administration Jeunesse et Sports, etc., vont débattre et essayer d’apporter des éléments de compréhension, de justification, d’évaluation et de prospective à propos de questions pour lesquelles, dans les convictions et les réponses apportées par les parties prenantes, la passion le partage avec la raison, l’optimisme avec le scepticisme, et pas toujours dans des proportions satisfaisantes.

Le choix du lieu de l’USE 2015 s’est portée sur la ville de Limoges qui possède d’incontestables atouts. Entre autres, l’UNCU sait pouvoir s’appuyer sur le Limoges Étudiants Club, l’Université de Limoges abrite l’équipe du Centre de Droit et d’Economie du Sport de réputation nationale et européenne, et la Capitale du Limousin est aussi l’une des grandes villes du basketball avec son club historique, le CSP Limoges.